Élégant, sobre et raffiné, l’immeuble haussmannien créé dans la deuxième moitiée du XIXème siècle s’est immédiatement imposé comme la signature urbanistique de Paris. Grâce à sa conception visionnaire il s’est adapté à toutes les évolutions. Aujourd’hui encore, plus d’un siècle et demi après leur construction, les immeubles haussmanniens restent une valeur sûre. Comme la petite robe noire inventée par Coco Chanel puis réinterprétée par tous les grands couturiers, l’appartement haussmannien est la référence absolue de l’habitat parisien.
Le nouveau standard de la modernité
Entre 1853 et 1870, pour habiller les 175 kms de voiries percées à travers Paris, le baron Haussmann imagine un style architectural résolument disruptif. Fini les hôtels particuliers vestiges du XVIIIème siècle. Place aux immeubles de rapport destinés à la location et promouvant la mixité sociale. Divisés en lots, ces édifices répartissent les appartements sur 5 ou 6 étages (la hauteur de l’immeuble de 12 à 20 m, varie en fonction de la largeur de l’artère). À chaque étage sa classe sociale. Au 1er, appelé aussi l’entresol, se trouvent les appartements réservés aux marchands, propriétaires des magasins du rez-de-chaussée. Pour respecter la symétrie de la façade, les fenêtres sont moins hautes qu’aux autres étages. En effet le porche étant plus élevé, il fallait réduire le niveau juste au-dessus pour rétablir l’équilibre. La hauteur sous plafond ne dépasse pas 2,60 mètres, contre 3,20 mètres pour le deuxième étage, l’étage noble réservé aux plus aisés. Elle va en décroissant au fur et à mesure que l’on monte. Plus on s’élève dans les étages, plus on baisse en prestige et en prix. Les 3ème et 4ème étages sont identiques entre eux et plutôt destinés aux petits bourgeois. Le cinquième étage est en retrait et accueille les classes sociales plus modestes. L’agrément de son petit balcon filant compense le désagrément de l’ascension à pied tout en embellissant la façade. Le sixième ou dernier étage est celui des chambres de bonne attribuées aux domestiques. Plus bas de plafond et en soupente, il est uniquement accessible par l’escalier de service.
Une façade théâtrale mais uniforme
La façade haussmannienne est strictement codifiée pour afficher le statut social de chaque étage tout en s’inscrivant dans la continuité pour ne pas perturber la perspective. Le rez-de-chaussée et l’entresol sont le plus souvent striés de profonds refends qui soulignent le pied de l’immeuble. Entre ces refends, des « bossages », plus ou moins travaillés, ou des colonnes peuvent enrichir la décoration. Le deuxième étage est le centre de toutes les attentions. Ferronneries ouvragées pour le balcon de prestige et les gardes corps, encadrements de fenêtres richement décorés : tout est fait pour attirer les regards sur l’étage noble.
Les embellissements sont plus discrets aux 3ème et 4ème étages. Les ferronneries des balcons des cinquièmes sont beaucoup moins travaillées que celles des balcons de prestige.
Côté rue, la façade est en pierre de taille provenant des carrières de Saint-Maximin (Oise) ou du Petit-Montrouge (XIVe). Côté cour, une pierre de qualité inférieure est utilisée pour les murs pignons.
Un nouvel art de vivre voit le jour
Adieu les habitations étroites et sombres. Peu profonds (entre 7 et 13 m en moyenne), les immeubles haussmanniens de six étages, agrémentés de cours et courettes, sont le plus souvent constitués d’appartements traversants et lumineux car pourvus de grandes fenêtres. Construits en îlots, agrégés les uns aux autres, ces édifices mitoyens où la déperdition d’énergie est minimale, affichent un bilan thermique performant. Confort moderne, les appartements sont reliés au tout-à-l’égout et au réseau de distribution de l’eau, équipés d’une cuisine, qui donne généralement sur la cour, avec garde-mangers « persiennés ». Ils s’ouvrent, le plus souvent, sur une belle galerie d’entrée que l’on appelait “antichambre”.
Un grand couloir dessert toutes les pièces de l’appartement qui se suivent en enfilade et donnent directement sur la rue. Les appartements plus cossus offrent en plus des pièces de réception. La cuisine est généralement desservie par un escalier de service.
Le charme discret de l’appartement bourgeois
Lumière, plancher, cheminées et belles moulures… Autant d’atouts qui ont conquis le cœur de tous ceux qui, un jour, ont rêvé d’habiter un appartement haussmannien. À l’exception de la cuisine et des salles d’eau, les sols sont entièrement parquetés. Point de hongrie, à bâton rompu ou tout simplement à lame droite le parquet réchauffe et embellit l’espace. Les moulures, corniches et rosaces, plus ou moins ouvragées selon le standing de l’immeuble et le prestige de l’étage, soulignent et sculptent les murs et les plafonds. Les lambris et boiseries murales apportent la touche finale : un raffinement exquis.
Sans cesse réinventé, le style haussmannien se revisite et se plie à toutes nos envies
Pour s’adapter au goût du jour et aux nouveaux usages, on revisite la distribution des pièces : côté jour et côté nuit. On redessine l’espace intérieur en supprimant ou déplaçant les cloisons. Les parquets et moulures sont restaurés, les murs prennent des couleurs et jouent les contrastes. La cuisine sort de l’ombre et s’invite au salon pour rassembler les espaces conviviaux dans une grande pièce à vivre. On installe un dressing, on ajoute une douche : la magie opère à nouveau. Le style haussmannien inspire les grands noms de la décoration d’intérieur et éveille les vocations des néophytes. Le mariage de l’ancien et du moderne fonctionne à merveille. Les proportions parfaites et l’équilibre sans faille du style haussmannien accueillent avec bonheur toutes les tendances dès lors que l’on respecte la règle d’or : confronter, juxtaposer les styles sans les gommer ni les tronquer.
Grâce à l’introduction de l’ascenseur au début du XXème siècle, la hiérarchie des étages s’est inversée. Désormais les 5èmes et 6èmes étages sont les plus prisés. Vue imprenable sur les toits de Paris et horizon dégagé sans vis-à-vis sont des avantages qui n’ont pas de prix et qui donneront plus de valeur au bien pour celui ou celle qui voudra mettre son appartement en location.