La place Vendôme, nommée après l’hôtel sur lequel elle a été construite, rayonne sur tout le quartier qui s’étend de la Madeleine au Louvre en longeant la rue de Rivoli. Elle est depuis toujours l’éclatant emblème du luxe à la française. Elle attise les convoitises et inspire les artistes. Les visiteurs du monde entier ne s’y trompent pas, c’est ici qu’ils viennent rêver devant les vitrines de la haute joaillerie, enchantés par le charme de ce quartier fabuleusement romanesque, où se sont faites et défaites les plus belles fortunes.
Une place royale, brillante dès sa naissance
Née du désir de Louis XIV qui voulait « aérer Paris » et marquer la ville de son empreinte, la place Vendôme a été imaginée par Jules Hardouin-Mansart, surintendant des bâtiments du roi.
Là où s’élevait l’ancien hôtel particulier du Duc de Vendôme, il décide d’ériger une vaste place rectangulaire entourée d’une dizaine d’édifices publics (une bibliothèque royale, des académies royales, un hôtel de la Monnaie, des ambassades, etc.). Au centre trônera une statue équestre de plus de 7 mètres de haut en bronze, représentant Louis XIV. La construction de ce projet pharaonique débute en 1690 et sera inaugurée inachevée en 1699, faute de moyens. En effet, derrière les majestueuses façades de la grande place rectangulaire… il n’y a rien. La place n’est qu’un décor !
Quelques mois plus tard, le terrain est vendu à la ville de Paris, les constructions sont détruites et l’opération entièrement privatisée. Bientôt la place accueillera de luxueux hôtels particuliers financés par les nobles de la capitale. Une seule contrainte doit être respectée : les façades seront rigoureusement identiques, toutes dessinées par Jules Hardouin-Mansart. Cette règle reste d’usage aujourd’hui.
Prolongée par les jardins du Carrousel et des Tuileries
entre la rue de Rivoli et la Seine
Ces deux jardins aménagés respectivement au XVIVème et XVIème siècles, le premier à l’emplacement du palais des Tuileries incendié en 1871 et le second en lieu et place des anciennes tuileries royales, sont le poumon vert du quartier. Celui des Tuileries, créé sous Louis XIV à l’instigation de Jean-Baptiste Colbert, est le plus ancien jardin à la française de Paris. Redessiné par André Le Nôtre puis achevé par son petit fils, Pierre Le Nôtre, il a gardé dans ses grandes lignes son aspect d’origine. Depuis toujours ouvert au public, afin que l’on puisse s’y retrouver, y discuter et prendre l’air, on y trouve dès sa création des restaurants et des cafés sur les terrasses. Les allées sont bordées de grandes sculptures classiques qui accompagnent les rêveries des promeneurs. Des œuvres plus modernes d’Aristide Maillol, Auguste Rodin, Louise Bourgeois mais également Henry Moore et bien d’autres les ont rejointes depuis 1964. Aujourd’hui comme hier on s’y promène le nez au vent en famille, en amoureux… Amateurs d’expériences sensorielles et bucoliques, ne manquez pas le rendez-vous de « Jardins, jardin aux Tuileries ». Chaque année, le salon des jardiniers y présentent de magnifiques jardins éphémères.
Une référence littéraire, un lieu romanesque, une muse
Avec ses joailleries, ses banques, ses maisons de haute couture et ses palaces, le quartier de la place Vendôme est le théâtre des amours et des grandes tragédies des personnalités venus du monde entier. La plus belle scène où se nouent et se dénouent les intrigues est bien entendu celle du Ritz. Seul établissement cinq étoiles sur la place, il est devenu un personnage de roman, tant il a été cité dans la littérature. Colette l’a décrit comme « emmitouflé dans sa peau de loutre ». Marcel Proust qui aimait y dîner l’évoque dans sa correspondance : « Des dames en chemise de nuit ou même en peignoir de bain rôdaient dans le hall « voûté » en serrant sur leur cœur des colliers de perles. » Le haut lieu du grand monde figure dans plusieurs chapitres de La Recherche… « L’hôtel Ritz, ces soirs-là, doit ressembler à l’Hôtel du libre échange. » (Le temps retrouvé, p. 339.) Proust observe sa clientèle depuis l’inauguration en 1898 et apprécie l’écrin du palace : « Le clair de lune semblait comme un doux magnésium continu permettant de prendre une dernière fois des images nocturnes de ces beaux ensembles comme la place Vendôme… » (Id., p. 381.)
D’ailleurs, Coco Chanel, qui vivait au Ritz, se souvient qu’en 1917 « Proust allait rejoindre sous les combles un domestique de l’hôtel. Il le payait pour lui noter les noms de tous les clients, ce qu’ils avaient mangé, comment ils étaient habillés. […] Chacun désirait s’offrir au regard de Proust sous son meilleur jour, par peur ou désir d’être pris pour modèle d’un de ses personnages. » Pour Léon-Paul Fargue, « Le Ritz, si tranquille, si resplendissant, si bien conçu pour le repos des grands de la terre, est en vérité tout sonore de romans. » (Le piéton de Paris). Francis Scott Fitzgerald, lui, y trouve son inspiration. Alors qu’il était installé dans le hall du Ritz, il voit passer la femme de ses rêves. Subjugué, il lui fait porter un bouquet d’orchidées. La belle renvoie les fleurs et l’écrivain, passablement éméché, dévore les pétales un à un devant elle. Elle succombera à ses avances le soir même. C’est l’histoire d’Un diamant gros comme le Ritz qu’il écrira plus tard sur la Côte d’Azur en situant l’action de l’autre côté de l’Atlantique. Mais la contribution de Scott Fitzgerald à la gloire littéraire des lieux tient surtout à son amitié avec Ernest Hemingway à qui il fait découvrir le palace. Celui-ci y prendra ses quartiers. La légende raconte même que ce fut lui qui « libéra » le Ritz le 25 août 1944. Il débarqua en effet avec un commando armé… et commanda sur le champ « 50 martinis ». Il fêtait ce jour-là, la libération de Paris et… son anniversaire.